En pleine nuit, l’ascension commence à la lampe frontale. Les groupes se mettent en route progressivement et ça fait comme une longue guirlande lumineuse qui s’enroule sur la montagne. La première partie du trajet est très éprouvante car la pente est raide et le sol se dérobe sous les pieds. Ca bouchonne comme un lundi matin à la rue Belliard. Mon guide est vraiment dans son élément, il se prend pour un cabri et avance à un rythme pour le moins soutenu. On dépasse des dizaines de personnes en se faufilant sur le côté. Là, je peux vous dire que je n’ai plus froid du tout ! Une heure plus tard, on atteint la partie intermédiaire de l’arrête qui est nettement plus cool. De temps en temps on s’arrête pour souffler un peu, boire un coup d’eau et grignoter quelque chose. Les dates que j’avais achetées avant sont idéales pour donner un coup de boost. J’en profite aussi pour admirer le superbe ciel étoilé comme on n’en voit que dans ce genre d’endroit. La Voie Lactée est clairement visible et quelques étoiles filantes me laissent augurer d’une ascension sans problème. A ce stade, les filles de marcheurs se sont fortement étirées et tout en bas, on voit des lampes qui commencent seulement à s’agiter.
Allez, encore une heure d’effort pour avaler la dernière partie de l’arrête, la plus hard évidemment. Le terme “avaler” est d’ailleurs tout à fait approprié car qu’est-ce que j’ai pu bouffer de la poussière ! En fait, le sol est composé de sable et de gravier volcaniques. A chaque pas (1 en avant, 2 en arrière tellement ça glisse), ça soulève un grand nuage. Le cœur pompe un max, les jambes chauffent mais on progresse bien. Dans le noir, on ne se rend pas bien compte de ce qu’il y a de chaque côté de l’arrête sur laquelle on marche. Dans le faisceau de la lampe frontale, on voit parfois furtivement de fameux précipices qui descendent vers le cratère.
L’aube pointe doucement le bout de son nez et on atteint le sommet du Rinjani vers 5h45. Intense émotion d’y être arrivé, de se trouver ici à 3726m d’altitude et de voir ce spectacle à 360°. Difficile de retenir ses larmes. Le ciel est parfaitement dégagé et on peut voir tout Lombok, la mer autour, l’île voisine de Sumbawa, les minuscules îles Gili, le cône parfait du volcan Agung sur Bali. Et puis, le disque orangé du soleil apparaît lentement à l’horizon. C’est juste un simple lever de soleil mais punaise dans ce décor, qu’est-ce que c’est beau ! Malgré ça, ça caille sec ici : j’ai les doigts gelés à force de prendre des photos et de filmer. Il doit y avoir une trentaine de personnes ici de toutes nationalités. Je remercie Noni de m’avoir emmené jusqu’ici. Avec le soleil qui monte, l’ombre du volcan se découpe sur le paysage derrière.
Après une bonne heure à contempler tout ça, il est temps de retourner au camp. La descente va s’avérer beaucoup plus cool et surtout plus fun. Je suis Noni qui se lance dans une course folle dans une sorte de mix entre ski et surf sur les pentes glissantes du volcan. On dépasse à tout vitesse les gens qui redescendent prudemment.
A ce rythme là, il nous faut un peu plus d’une heure pour arriver en bas où je retrouve Romy depuis longtemps réveillée de sa mauvaise nuit. J’ai droit à un petit déj et à une pause d’1h30 pour me remettre car je suis déjà bien lessivé par cette ascension… et la journée est loin d’être finie !
Le brouillard qui s’est levé nous empêche de voir le lac pourtant à quelques centaines de mètres sous nos pieds. Enfin, on arrive soulagés de pouvoir se reposer un peu et de manger quelque chose (tiens, des nouilles ce midi !).
Mais le vrai bonheur vient après. A côté du lac, se trouvent des sources chaudes en provenance directe du volcan. Il y a des petites chutes d’eau avec des piscines naturelles et les gens du coin on aménagé des bassins sur le bord, un peu comme dans des thermes. Ils viennent d’ailleurs de loin pour profiter des vertus curatives de ces sources. Faut dire que c’est un pur plaisir de se couler dans ces eaux super chaudes (on doit pas être loin des 45°), surtout pour nos corps fatigués. Dans certaines piscines, il y a des bulles et on se croirait dans un vrai jacuzzi. Sans Noni pour nous arracher de là, on se serait bien laissé fondre quelques heures de plus.
C’est reparti pour 3h de marche, en grimpant cette fois sur l’autre versant du cratère. La vue sur le petit volcan au milieu du lac est superbe. Arrivés en haut du rim, de nouveau à 2700m, on croyait qu’on allait dormir là. C’est un peu le coup de bambou quand on apprend qu’il faut encore marcher une heure pour atteindre le campement. Finalement, on se pose vers 18h. Moi, ça me fait 10h30 de crapahutage dans les jambes et dans les 4000m de dénivelé au total ! On est carrément “dong dong” (fatigués) comme on dit ici.
Ce soir, on partage le camp uniquement avec un autre groupe de 2 personnes… des Belges de la région de Gand qui sont en voyage de noces. Très sympas, surtout qu’ils nous font profiter du traitement de faveur auquel ils ont droit en tant que jeunes mariés : dîner aux chandelles (si si, à 2000m et en pleine nature), repas amélioré avec entrée et dessert et un bon petit feu pour se réchauffer après. Ca finit en véritable veillée avec les guides et les porteurs rassemblés autour des flammes. Ils nous racontent les histoires traditionnelles de la région, notamment celle à rallonge de “Grantang” (?) et “Tupac” (re ?) qui symbolisent un peu l’éternel combat du bien et du mal. Un des porteurs (dénommé Rambo !) chante des passages de cette histoire pendant qu’un guide nous traduit. Encore un moment qu’on n’oubliera pas. On a l’impression d’être dans un épisode de “Rendez-vous en terre inconnue”. La nuit sera de nouveau difficile car malgré qu’on soit un peu redescendu, il fait toujours aussi froid, avec énormément de vent et d’humidité. On se console en se disant que c’est la dernière ! Vivement un bon matelas…